3.3. Filtrage des signaux aléatoires#

3.3.1. Définition#

Definition 3.1

Le filtrage des signaux aléatoires stationnaires est défini par une opération de convolution

\[y(t)=x(t)*h(t)= \int_{\mathbb{R}} x(s) h(t-s) ds = \int_{\mathbb{R}} h(s) x(t-s) ds = h(t)*x(t).\]

où les intégrales sont définies au sens de la **convergence en moyenne quadratique

3.3.2. Identification d’une opération de filtrage linéaire pour les signaux aléatoires#

Pour identifier une opération de filtrage linéaire, on peut utiliser le fait qu’il existe une isométrie entre l’ensemble des signaux aléatoires engendrés par un processus aléatoire stationnaire \(x(t)\) (i.e., l’ensemble des combinaisons linéaires de la forme \(\sum_{k=1}^N a_k x(t_k)\) et des limites des suites de variables aléatoires ayant cette forme notées \(\lim\limits_{n \to +\infty} \sum_{k_n=1}^{N_n} a_{k_n} x(t_{k_n})\)) et l’ensemble des fonctions à valeurs complexes engendrées par \(\exp(j2 \pi ft)\) (i.e., l’ensemble des combinaisons linéaires de la forme \(\sum_{k=1}^N a_k \exp(2 \pi f t_k)\) et des limites des suites de variables aléatoires ayant cette forme notées \(\lim\limits_{n \to +\infty} \sum_{k_n=1}^{N_n} a_{k_n} \exp(2 \pi f t_{k_n})\)). L’espace des signaux aléatoires engendré par \(x(t)\) est muni du produit scalaire

\[\langle u(t), v(t) \rangle_1 = E[u(t) v^*(t)]\]

tandis que l’espace des fonctions complexes engendré par \(\exp(j2 \pi ft)\) est muni du produit scalaire

\[\langle a(t), b(t) \rangle_2 = \int_{\mathbb{R}} a(t) b^*(t) s_x(f) df.\]

Le fait qu’il existe une isométrie entre ces deux espaces découle de l’égalité suivante

\[R_x(\tau) = E[ x(t) x^*(t-\tau)] =\langle x(t), x(t-\tau) \rangle_1\]

et du fait que

\[R_x(\tau) = \text{TF}^{-1}(s_x(f))=\int_{\mathbb {R}} s_x(f) \exp(j 2 \pi f \tau)df =\langle \exp(j 2 \pi f t), \exp(j 2 \pi f (t-\tau)) \rangle_2.\]

Pour plus de détails, on pourra se reporter à l’excellent livre de Yaglom [Yaglom, 1962]. On notera \(x(t) \leftrightarrow \exp(j2 \pi ft)\) le fait que \(x(t)\) admette \(\exp(j2 \pi ft)\) comme correspondance par l’isométrie. On en déduit

\[x(t)*h(t)=\int_{\mathbb{R}} h(s) x(t-s) ds \leftrightarrow \int_{\mathbb{R}} h(s) \exp[ j 2 \pi f(t-s) ] ds = \exp(j2 \pi ft)H(f)\]

qui caractérise l’opération de filtrage linéaire. On en déduit le résultat suivant

Tip

Pour vérifier qu’une opération \(y(t)=T[x(t)]\) est une opération de filtrage linéaire, on remplace \(x(t)\) par \(\exp (j 2 \pi f t)\) dans l’expression de \(y(t)\) et on factorise par \(\exp (j 2 \pi f t)\). Si le terme devant \(\exp (j 2 \pi f t)\) ne dépend que de \(f\) (et pas de \(t\) ), on le note \(H(f)\) et on a une opération de filtrage linéaire avec un filtre de transmittance \(H(f)\). Si le terme devant \(\exp (j 2 \pi f t)\) dépend de \(t\), on n’a pas une opération de filtrage linéaire.

Ce résultat peut également s’expliquer à l’aide de la notion de réponse harmonique : si on met un signal de fréquence \(f_0\) à l’entrée d’un filtre, i.e., \(x(t)=\exp( 2 \pi f_0 t)\), la sortie du filtre est également une fréquence pure mais dont l’amplitude est la phase ont été modifiées par le filtre, i.e., \(y(t)=H(f_0) \exp( 2 \pi f_0 t)\).

3.3.3. Exemples#

Example 3.1 (Filtre dérivateur. )

Soit le système défini par \(y(t)=x'(t)\) tel que

\[x'(t)=\lim\limits_{h \to 0} \frac{x(t+h)-x(t)}{h} \leftrightarrow \lim\limits_{h \to 0} \frac{\exp(j2 \pi f(t+h))-\exp(j 2 \pi ft)}{h}=(j2\pi f) \exp(j2 \pi ft).\]

Comme \(H(f)=j2\pi f\) est indépendant de \(t\), \(y(t)=x'(t)\) est la sortie d’un filtre linéaire de transmittance \(H(f)=j2 \pi f\) (appelé filtre dérivateur.

Example 3.2 (Filtre multi-trajets. )

On considère le système défini par l’équation d’observation suivante :

\[y(t)=\sum_{k=1}^K a_k x(t-t_k).\]

On a alors

\[y(t) \leftrightarrow \sum_{k=1}^K a_k \exp(j 2 \pi f(t-t_k)) = \exp( 2 \pi f t) \sum_{k=1}^K a_k \exp(j2 \pi f t_k)\]

Comme \(H(f)=\sum_{k=1}^K a_k \exp(j2 \pi f t_k)\) est indépendant de \(t\), on a une opération de de filtrage linéaire avec un filtre de transmittance \(H(f)\) (appelé filtre multi-trajets).

Example 3.3

On considère maintenant le système suivant :

\[y(t)=x(t)m(t)\]

avec \(m(t)\) indépendant de \(x(t)\) tel que

\[x(t)m(t) \leftrightarrow \exp(j2 \pi ft) m(t).\]

La correspondance de \(x(t)m(t)\) ne peut pas s’écrire \(\exp(j2 \pi ft)H(f)\) car \(m(t)\) est une fonction de \(t\) (et pas de \(f\)) donc l’opération qui à \(x(t)\) associe \(x(t)m(t)\) n’est pas une opération de filtrage linéaire.

3.3.4. Relations de Wiener-Lee#

Les relations de Wiener-Lee sont valables pour des signaux aléatoires stationnaires, comme le montre cette partie. On a alors les expressions suivantes :

  • Intercorrélation :

    \[\boxed{R_{yx}(\tau)=R_x(\tau) * h(\tau)}\]

    Proof. Pour démontrer cette relation, il suffit d’exprimer le produit scalaire à l’aide de l’isométrie

    \[\begin{split}\begin{split} R_{yx}(\tau)&= E[ y(t) x^*(t-\tau)] \\ &= \langle y(t), x(t-\tau) \rangle_1 \\ &=\langle \exp(j2 \pi ft)H(f), \exp(j2 \pi f(t - \tau) \rangle_2 \\ &=\int_{\mathbb {R}} \exp(j2 \pi ft)H(f) \exp(-j2 \pi f(t - \tau) )s_x(f)df \\ & =\int_{\mathbb {R}} H(f) \exp(j2 \pi f \tau) s_x(f)df \\ & =\text{TF}^{-1}[ H(f) s_x(f) ]\\ & =R_x(\tau) * h(\tau). \end{split}\end{split}\]
  • Autocorrélation :

    \[\boxed{R_y(\tau) = R_x(\tau) * h(\tau) * h^*(-\tau)}\]

    Proof. On procède comme ci-dessus

    \[\begin{split}\begin{split} R_{y}(\tau)&= E[ y(t) y^*(t-\tau)] \\ &= \langle y(t), y(t-\tau) \rangle_1 \\ &=\langle \exp(j2 \pi ft)H(f), \exp(j2 \pi f(t - \tau)H(f) \rangle_2 \\ &=\int_{\mathbb {R}} \exp(j2 \pi ft)H(f) \exp(-j2 \pi f(t - \tau)) H^*(f)s_x(f)df \\ & =\int_{\mathbb {R}} H(f)H^*(f) \exp(j2 \pi f \tau) s_x(f)df \\ & =\text{TF}^{-1}[ |H(f)|^2 s_x(f) ]\\ & =R_x(\tau) * h(\tau)* h^*(-\tau). \end{split}\end{split}\]
  • Densité spectrale de puissance :

    \[\boxed{s_y(f)=s_x(f) |H(f)|^2}\]

    Proof. Comme \(s_y(f)=\text{TF}[R_y(\tau)]\), le résultat découle de l’avant dernière ligne de l’équation précédente.

  • Moyenne :

    La moyenne de la sortie d’un filtre vérifie la relation suivante

    \[\boxed{E[y(t)]=H(0) E[x(t)]}\]

    Proof. En effet

    \[\begin{split}\begin{split} E[y(t)]&= E[ x(t)*h(t)] \\ &= E \left[ \int_{\mathbb{R}} h(s)x(t-s) ds \right] \\ &=\int_{\mathbb{R}} h(s) E[x(t-s)] ds \\ &=E[x(t-s)] \int_{\mathbb{R}} h(s) ds \\ & =E[x(t)] H(0) \end{split}\end{split}\]

    où on a utilisé l’égalité \(E[x(t-s)]=E[x(t)]\) qui découle de la stationnarité du signal \(x(t)\).

  • Formule des interférences :

    Cette formule exprime l’intercorrélation entre les sorties de deux filtres de transmittances \(H_1(f)\) et \(H_2(f)\) de même entrée \(x(t)\). Ces deux sorties sont donc définies pas \(y_1(t)=x(t)*h_1(t)\) et \(y_2(t)=x(t)*h_2(t)\) et on a

    \[\boxed{E[y_1(t)y_2^*(t-\tau)]=\int_{\mathbb{R}} H_1(f) H_2^*(f) \exp(j 2 \pi f \tau)s_x(f) df.}\]

    Proof. La preuve est similaire à celle utilisée pour déterminer l’autocorrélation de la sortie d’un filtre

    \[\begin{split}\begin{split} R_{y_1 y_2}(\tau)&= E[ y_1(t) y_2^*(t-\tau)] \\ &= \langle y_1(t), y_2(t-\tau) \rangle_1 \\ &=\langle \exp(j2 \pi ft)H_1(f), \exp(j2 \pi f(t - \tau)H_2(f) \rangle_2 \\ &=\int_{\mathbb {R}} \exp(j2 \pi ft)H_1(f) \exp(-j2 \pi f(t - \tau)) H_2^*(f)s_x(f)df \\ & =\int_{\mathbb {R}} H_1(f)H_2^*(f) \exp(j2 \pi f \tau) s_x(f)df. \end{split}\end{split}\]

    Cette relation montre par exemple que si les deuxcanaux \(H_1(f)\) et \(H_2(f)\) ont de supports disjoints (ce qui implique \(H_1(f)H_2(f)=0\), on a \(E[ y_1(t) y_2^*(t-\tau)]=0\), ce qui signifie que les signaux \(y_1(t)\) et \(y_2(t-\tau)\) sont décorrélés, ce qui n’est pas très intuitif car l’entrée des deux filtres est la même !!